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Rencontre avec Deivi Khun

Par antoine — Dernière modification 20/05/2014 14:52
Nous avons rencontré le brésilien Deivi Khun, responsable au développement des logiciels libres et membre de l'association brésilienne « Software Livre »

Au Brésil, il existe une véritable politique gouvernemental en faveur du logiciel libre. Deivi nous a demandé s'il existait quelque chose de semblable en France, nous lui avons expliqué que ce n'était pas vraiment le cas, si ce n'est l'existence de quelques initiatives dans le cadre de la Modernisation de l'Action Publique (anciennement R.G.P.P). Par contre, il existe en France, et en Europe, de nombreuses associations : April, Aful, La Quadrature du Net, Telecomix, le C.C.C., …

Le sujet des brevets logiciels est rapidement évoqué, avec notamment le traité de libre échange (TAFTA) qui est un gros enjeu pour l'Europe et son indépendance envers les États-Unis. Pour le moment l'Europe est vu par le Brésil comme un allié de poids, et ce type d'accord risquerait des les isoler, les pays d'Asie n'ayant pas la même relation économique ou politique avec eux.

Ensuite, le thème des logiciels libres, et de la culture du libre. Au Brésil, et en Amérique latine de manière générale, il existe un réseau d'associations qui permet une bonne coordination des actions au niveau local, et Deivi regrette que cela n'existe pas au niveau mondiale. Bien que la FSF existe, elle n'agit pas comme un organisme fédérateur et ne s'implique pas suffisamment à son avis. Il donne comme exemple le récent texte sur la neutralité du net (Marco Civil da Internet) ou il n'y a eu aucun implication de la FSF ou de l'EFF.

Concernant les logiciels libres, beaucoup de brésiliens sont d'accord avec le principe et le fait d'utiliser ces logiciels mais, comme ailleurs dans le monde, une grande partie de la population est surtout intéressée par la gratuité de la plupart de ces logiciels, sans chercher réellement ce qu'est le libre et donc à participer, en codant ou en soumettant des bugs. De plus, il y a peu d'effort car le marché noir des logiciels est très important au Brésil, comme en Asie. Les écoles ou les universités travaille avec des logiciels privateurs de libertés puis les étudiants peuvent facilement se les procurer sur le marché parallèle ; mais une fois dans le monde professionnel, ils continuent à travailler avec ces mêmes logiciels, acquis légalement cette fois. Ce phénomène est très porté par les lobbys, présent jusqu'au sein des organes officiels du gouvernement. Parfois, les choses sont légèrement différentes : certaines entreprises utilisent des logiciels libres sans le savoir (Apache, Bind, Firefox, …) et donc n'ont pas conscience de la culture et de la philosophie du libre qui s'y rattache. C'est pour cela qu'au Brésil, il y a de plus en plus un véritable engagement pour le libre, avec par exemple des références au libre dans le discours présidentiel, des ateliers dans les écoles, un grand festival (FISL), l'utilisation et la participation au développement de logiciels libres dans les différents ministères. Sur ce dernier point, nous avons montrer que cela commence également à se voir de plus en plus en France, avec par exemple la participation de la Gendarmerie au client de messagerie Thunderbird.

L'évocation de la sécurisation de Thunderbird par la Gendarmerie française fait basculer la discussion vers les problèmes de sécurité et d'espionnage, largement mis en avant par les récent événement concernant entre autre la N.S.A. Deivi nous explique que le Brésil se préoccupe beaucoup de ce problème et que le logiciel libre est une partie de la réponse contre ces écoutes, avec les solutions de cryptographie qui peuvent être plus facilement audités grâce à l'accès au code source. Mais nous nous rappelons que cela ne garanti pas des logiciels infaillibles ou sans backdoors, car se sont des programmes complexes et les contributions ne sont pas toujours très clair (exemple de l'implication forte des U.S.A dans le développement de Tor). Deivi nous rapporte que les experts cryptographes brésiliens pensent que la cryptographie est parfois implantée de manière faible intentionnellement.

Pour terminer la rencontre, nous revenons sur les points principaux évoqués :

  • Le problème de l'espionnage de la population et du gouvernement : il faut développer une technologie de cryptographie ouverte et sûre pour lutter contre les technologies puissantes d'espionnage misent en place par les États-Unis et l'Europe dans une moindre échelle ;
  • La liberté du réseau internet : éviter l'utilisation de formats fermés (avec DRM), assurer une protection de la vie privée sur internet, garantir une égalité dans l'accès (neutralité du réseau) ;
  • Continuer et persévérer dans la lutte contre les brevets logiciels, et les accords Europe - États-Unis qui risqueraient d'isoler l'Amérique Latine sur les plans politiques et commerciales favorisant le développement de la culture et de la philosophie du libre ;
  • Essayer de constituer un réseau d'association, une alternative à la FSF, pour effectuer les actions coordonnées sur le plan mondial mais se jouant sur le plan locale afin de promouvoir le libre au plus proche de la population.

 

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Quelques liens :